Jeff Koons, ‘Balloon Dog’

Drôle de moment radiophonique ce dimanche pour la dernière de Bav{art]dages à la radio. Alors que nous recevions un invité exceptionnel, l’oeuvre d’art la plus chère au monde, Balloon Dog, le célèbre chien en baudruche de Jeff Koons, une autre oeuvre d’art, « Fontaine » de Marcel Duchamp. « Clash » en perspective.

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JULIEN – Voici l’œuvre d’art contemporain la plus chère au monde, la star des chiens en ballon de baudruche, Balloon Dog de Jeff Koons, bonjour !

BALLOON – Bonjour Laetitia, bonjour Julien.

JULIEN – Vous nous rappelez pour qu’on garde ce prix en tête le prix auquel vous avez été vendu aux enchères en 2013 ?

BALLOON – 52 millions d’euros, ça impose le respect hein !

LAETITIA – Sûrement l’invité le plus cher qu’on ait jamais reçu à France Inter ! Et qui est l’heureux propriétaire ?

BALLOON – Mon maître ? Je ne peux pas vous le dire. Quand il m’a acheté, il n’était pas présent, il était au téléphone. Alors il a pu garder son anonymat !

JULIEN – Balloon Dog, ce qu’il faut savoir à votre sujet c’est que votre fameuse apparence de chien gonflable c’est un trompe-l’œil…

BALLOON – Ah ben wif ! J’ai l’air d’être en baudruche, mais en réalité je pèse plusieurs tonnes, je suis une gigantesque sculpture en acier inoxydable… Les équipes de Jeff Koons ont reproduit jusque dans les moindres détails l’allure du ballon, mais sous ma couche de peinture rose je suis bien un chien en inox !

JULIEN – Vous êtes une œuvre malicieuse en fait !

BALLOON – Et ça ne s’arrête pas là en plus… Mon côté léger est une illusion, mon côté enfantin aussi, il est trompeur ! Mes formes, mes courbes, mon côté boursouflé, a aussi un côté très sensuel.

JULIEN – On a découvert à l’occasion de l’exposition de Jeff Koons au Centre Pompidou, il y a quelques mois, que vous faites partie d’une grande série d’oeuvres, beaucoup d’agrandissements d’objets de fête… C’est une série qui s’appelle Celebration, vous pouvez nous expliquer un peu son principe ?

BALLOON – Wif, bien sûr ! Jeff a pris un objet éphémère, un chien en ballon, qui peut crever à n’importe quel moment, et il en a fait moi, c’est-à-dire une sculpture monumentale en acier, quasi intouchable. Il a fait pareil avec des sucettes, des bonbons… Il rend immortels des objets destructibles.

LAETITIA – Et cette discipline de l’art…

BALLOON – C’est le ready-made. Vous savez, cet art qui consiste à faire des oeuvres d’art à partir d’objets du réel. Eh bien Jeff a renouvelé le genre. C’est le nouveau Marcel Duchamp, il met l’art et la vie au même niveau !

LAETITIA – Julien exceptionnellement nous avons beaucoup d’appels au standard pour Balloon Dog, nous allons prendre une question d’auditeur. Nous vous écoutons monsieur !

FONTAINE (au téléphone) – Oui bonjour, j’amerais savoir quand cette sculpture de pacotille aura l’intention de cesser de déblatérer des conneries sur votre antenne.

BALLOON – PARDON ?

LAETITIA – Monsieur s’il vous plait je vous demande de rester poli avec notre invité. Est-ce qu’on peut connaître votre nom et ce que vous faites dans la vie.

FONTAINE – Mon nom est Fontaine et je suis un chef d’oeuvre de l’art moderne.

JULIEN – Laetitia, c’est l’urinoir de Marcel Duchamp !

FONTAINE –  FONTAINE, pas urinoir ! Et je tiens à ce que cette sculpture de monsieur Koons retire ce qu’elle a dit. Elle n’a RIEN A VOIR avec moi ni avec aucune création de Marcel Duchamp.

BALLOON – Je ne vous dois rien monsieur, ni à vous, ni à votre Marcel Duchamp. Je vous ai dépassé tous les deux, je suis plus populaire, plus connu et mieux vendu. La véritable référence de l’art contemporain, c’est moi désormais. Le ready-made, l’oeuvre qui désacralise l’art, ce n’est plus Duchamp, c’est Koons.

FONTAINE – Foutaises. Tu te mets la papatte dans l’oeil. Tu es tout le contraire de moi. Quand Marcel Duchamp m’a créé, il a choisi un objet froid, austère, qui n’avait rien d’une oeuvre d’art.

JULIEN – Messieurs, nous aimerions revenir à l’inteview…

FONTAINE – LAISSEZ-MOI TERMINER ! Toi aussi, Balloon Dog, tu viens d’un objet du quotidien, mais toi, ton artiste t’a fait plein de fioritures, tu es tout brillant. C’est facile de vouloir désacraliser l’art quand on a tout pour plaire.

BALLOON –  Ca suffit ! Coupez ce téléphone, s’il vous plaît. Vous entendez ? Il est rongé par l’aigreur. C’est un jaloux… Jaloux de mon succès.

JULIEN – Si je peux me permettre, la Fontaine de Duchamp que nous avons en ligne n’a pas complètement tort, au sens où selon certains critiques, vous avez un côté bonbon qui va a l’encontre du readymade d’origine…

BALLOON – Ah donc vous êtes de son côté ? (s’énervant) Et après vous vous étonnez que les oeuvres d’art ne donnent jamais d’interview ! Allez, c’est terminé. Je rentre à la niche.

JULIEN – Mais non mais restez ! Répondez au moins aux questions… Soyons tous civilisés… Monsieur Fontaine, voulez-vous vous excusez d’avoir insulté monsieur Balloon Dog ?

FONTAINE – Qu’il crève !

BALLOON (hurlant) – Et vous avec ! Allez, adieu !

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