Effrayante ? Rassurante ? Cette immense araignée de métal, visible aux quatre coins du monde et imaginée par Louise Bourgeois, répond à nos questions.
HÉLÈNE : Comme tous les dimanches c’est l’heure de Bavartdages avec Julien
Baldacchino, l’interview exclusive d’une oeuvre majeure de l’histoire de l’art… Bonjour
Julien…
JULIEN : Salut.
HÉLÈNE : Vous ne nous présentez pas votre invité ?
JULIEN : Non. Je vous ai dit hors antenne ! J’ai peur, je suis phobique !
HÉLÈNE : Mais enfin Julien ce n’est pas une vraie araignée ! C’est une oeuvre d’art, une
sculpture de Louise Bourgeois. Vous le savez en plus.
JULIEN : Non mais c’est pareil… elle est immense elle fait 10 mètres… elle est horrible.
MAMAN : Merci, sympa.
JULIEN : AAAH !
HÉLÈNE : Bon allez Julien faites un effort là, on va pas perdre 4 minutes à vous
entendre chouiner…
JULIEN : C’est vrai Laetitia, vous avez raison… Bon. Maman c’est votre titre, Louise
Bourgeois votre artiste, et vous êtes donc, on l’a compris, une immense sculpture de
dix mètres de haut qui représente une araignée.
MAMAN : C’est exact. Si vous voulez que j’aille un peu plus loin dans ma présentation,
je suis essentiellement faite de bronze, et je suis née en 1999.
JULIEN : A l’origine vous aviez été conçue pour le grand musée d’art contemporain de
Londres, la Tate Modern.
MAMAN : C’est ça, ils m’ont commandée à Louise. Après, je me suis multipliée et il y a
des exemplaires de moi un peu partout, comme ici à Tokyo.
JULIEN : Brr… une araignée qui se multiplie… Mais enfin qu’est-ce qui a pris à Louise
Bourgeois de sculpter ça !
MAMAN : Eh ! « CA » a un nom !
HÉLÈNE : Oui Julien soyez poli avec notre invitée !
JULIEN : Oui pardon.
MAMAN, l’air rassurant, bienveillant : Vous savez, vous avez tort d’avoir peur des
araignées. Je ne suis pas une présence menaçante, au contraire, Louise m’a créée pour
faire de moi une présence amicale.
JULIEN : Amicale ? Sérieusement ?
MAMAN : Mais oui ! Les araignées sont très intelligentes d’une part, et puis elles
mangent les moustiques d’autre part. Je suppose que vous n’avez pas peur des
moustiques ?
JULIEN : Euh, moins que des araignées en tout cas.
MAMAN : Vous avez tort. Le moustique, ça c’est un vrai nuisible ! Il transporte des
maladies, il BOIT VOTRE SANG. L’araignée mange le moustique, donc l’araignée te
protège, mon fils. Ca vous va comme explication ?
HÉLÈNE : Excusez-moi, mais on s’est un peu éloignée de vous en tant qu’oeuvre d’art,
non ?
MAMAN : Pas tant que ça en fait. Louise voyait vraiment l’araignée comme une figure
amicale et protectrice. En fait, quand elle m’a sculptée, elle m’a expliqué que je lui
rappelais sa maman.
JULIEN : D’où votre titre, Maman.
MAMAN : Exactement.
JULIEN : Mais donc elle était si affreuse que ça sa mère ?
MAMAN : Mais enfin vous êtes borné ! Quand est-ce que vous allez cesser de vous
arrêter aux apparences ? Sa mère était restauratrice de tapis, elle passait ses journées
à tisser du fil. Comme une araignée. Louise l’avait dit de son vivant : je suis une ode à sa
mère, qui était sa meilleure amie. Et qui était aussi intelligente qu’une araignée.
D’ailleurs, je crois bien qu’avant mes soeurs et moi Louise avait déjà utilisé l’image de
l’araignée pour faire référence à sa mère.
JULIEN : Ah oui, c’est un motif assez obsessionnel…
MAMAN : Vous savez, la mort de sa maman l’a beaucoup affectée. Joséphine
Bourgeois est morte quand Louise avait 21 ans. Et Louise a essayé de se suicider juste
après.
JULIEN : Excusez-moi mais quand même, s’il s’était agi juste de trouver une image
protectrice et bienveillante, il n’y avait pas mieux qu’une araignée ?
MAMAN : Vous avez raison. Approchez…
JULIEN : Euh…
HÉLÈNE : Allez Julien !
MAMAN : Venez entre mes pattes !
JULIEN, après une respiration profonde : Voilà.
MAMAN : Ha ha ha ha, vous êtes mon prisonnier !
JULIEN : QUOI ?
MAMAN, riant : Mais non ! Enfin, à moitié. Vous voyez, entre mes pattes, vous avez
l’impression d’être dans une cage. Et si vous regardez en haut… vous voyez, il y a des
oeufs dans mon abdomen. Je suis à la fois une présence rassurante et une menace.
C’est vrai. J’ai deux facettes, le bien et le mal. Comme la figure maternelle.
JULIEN : A la fois protectrice et étouffante ?
MAMAN : Exactement. Vous voyez, je porte vraiment bien mon nom.
JULIEN : Eh bien merci Maman, enfin maman l’oeuvre, pas ma mère, enfin merci aussi à
ma mère, maman si tu m’écoutes je…
MAMAN : Monsieur !
JULIEN : Oh là pardon. Merci l’araignée Maman de Louise Bourgeois, la liste des
endroits où vous trouver est sur Franceinter.fr, et merci Hélène !
HÉLÈNE : Merci Julien, à la semaine prochaine !