René Magritte, « La Trahison des images »

Le tableau de René Magritte qui porte la célèbre inscription « Ceci n’est pas une pipe » est l’invité de la dernière de cette saison radiophonique de Bav[art]dages, pour une interview surréaliste !

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LAETITIA – C’est déjà la fin de cette deuxième saison de Bav(art)dages… Julien Baldacchino bonjour, ce dimanche pour la dernière fois de l’été vous allez interviewer un chef-d’oeuvre de l’histoire de l’art…

JULIEN – Et il s’agit de « La trahison des images », peint par René Magritte en 1928, bonjour…

LA TRAHISON DES IMAGES – Bonjour !

JULIEN – Ça ne vous dérange pas si on vous appelle aussi « Ceci n’est pas une pipe », ce sera sûrement plus parlant pour les auditeurs.

LA TRAHISON DES IMAGES – Ce n’est pas mon titre, mais tant pis, ça me va !

LAETITIA – Donc pour ceux qui ne vous auraient pas encore situé vous êtes ce tableau très simple, sur fond beige, où est dessinée une pipe avec la mention « Ceci n’est pas une pipe », écrite de façon très scolaire.

LA TRAHISON DES IMAGES – Exact.

JULIEN – Et donc je me permets de poser peut-être la question qui fâche : vous êtes une pipe ou vous n’êtes pas une pipe ?

LA TRAHISON DES IMAGES – Pour la dernière fois je vais répondre à cette question : non, je ne suis pas une pipe. Je suis un tableau, une image quoi, qui représente une pipe. Point barre. Si j’étais une pipe vous pourriez me prendre en main et me fumer ! Bon, là vous pouvez ?

JULIEN – Euh… non.

LA TRAHISON DES IMAGES – Eh bah voilà. Je ne suis pas une pipe. Fini, merci, au revoir.

LAETITIA – Non non non ! Restez avec nous ! On va pouvoir aller un peu plus loin !

LA TRAHISON DES IMAGES – Ah, ha ha, vous voulez aller plus loin dans la pipe ?

JULIEN – Oui enfin, restons corrects hein.

LA TRAHISON DES IMAGES – Vous croyez quoi exactement ? Magritte était un provocateur ! Ce n’est pas un hasard s’il a choisi une pipe. Quand il dit « Ceci n’est pas une pipe », ça veut dire aussi que c’est à autre chose que l’on pense…

JULIEN – On pense à quoi ?

LA TRAHISON DES IMAGES – Vous voulez que je vous fasse un dessin ?

LAETITIA – Oui, c’est bon là Julien, on a compris.

LA TRAHISON DES IMAGES – Tenez, si on me décortique. Ceci n’est pas une pipe. Ca veut aussi dire que le mot CECI n’est pas une pipe, puisque c’est « CECI », et pas « UNE PIPE ». (Silence) Le mot CECI, et pas le mot UNE PIPE. (Silence) Bon. Vous y pipez rien.

JULIEN – Globalement, si je suis bien, vous nous dites que les images, les mots et les choses, ce sont des choses différentes.

LA TRAHISON DES IMAGES – Grosso modo, oui.

JULIEN – Et cela fait de vous un tableau profondément surréaliste.

LA TRAHISON DES IMAGES – Si j’osais, je dirais même que je suis une clé pour comprendre le surréalisme. Oh ! Et ! J’ose !

LAETITIA – On vous écoute !

LA TRAHISON DES IMAGES – Quand vous voyez une montre molle sur un tableau de Dali… vous vous dites, mais non, c’est pas possible que cet objet fonde, c’est une montre, une montre ça fond pas, une montre ça donne l’heure mais ça fond pas. Ok ?

JULIEN & LAETITIA – Ok.

LA TRAHISON DES IMAGES – Mais ce n’est pas un objet ! C’est de la peinture sur une toile ! On dit que c’est une montre, mais c’est l’image d’une montre. Et la représentation d’une montre, Dali peut la faire ramollir. Autant qu’il veut. C’est ça le surréalisme, partir de l’idée que l’art peut s’affranchir de ce que la raison des gens croit être l’ordre normal des choses, puisque l’art, ce sont les images et pas les choses. Et à partir de là on peut laisser libre cours à la pensée.

JULIEN – Eh bien… wow. Je crois bien qu’en deux ans de Bavartdages vous êtes le tableau le plus complexe qu’on a reçu !

LA TRAHISON DES IMAGES – Il vous en faut peu ! Heureusement que vous n’avez pas invité ma suite à venir vous parler…

LAETITIA – Votre suite ?

LA TRAHISON DES IMAGES – Oui, un autre tableau de René, qu’il a peint presque 40 ans après moi… en 1966. « Les deux mystères », c’est son titre…

JULIEN – Et que représente ce tableau, votre « suite » comme vous dites ?

LA TRAHISON DES IMAGES – On me voit moi, je trône sur un chevalet. Et à l’arrière plan, une pipe bleue BEAUCOUP PLUS GROSSE, qui flotte dans les airs. Vous suivez ?

JULIEN – Ce qui fait deux pipes dans le tableau.

LA TRAHISON DES IMAGES – Exactement l’ami. Maintenant dites-moi, laquelle des deux est une vraie pipe ?

JULIEN – Mais, euh, c’est vous qu’on interviewe, pas moi…

LA TRAHISON DES IMAGES – Allez, jouez le jeu ! Entre ces deux pipes, laquelle est vraie ?

JULIEN – Heu… Logiquement, c’est la plus grande, celle à l’arrière plan, qui a très bien pu vous servir de modèle.

LA TRAHISON DES IMAGES – Encore perdu ! Même si c’était le modèle de pipe qui a servi à me peindre, ça reste une représentation ! Dans ma suite, Les Deux Mystères, René a compliqué encore un peu le paradoxe. Il donne l’air de révéler les secrets de son chef d’oeuvre, mais en réalité il brouille encore plus les pistes ! Vous avez l’impression d’y voir un tableau qui représente une pipe et son modèle, vous vous dites c’est bon, et PAN, raté ! C’est la représentation d’un tableau qui représente une pipe, et la représentation de son modèle. Et René en ajoute une couche.

JULIEN – Je suis pas sûr d’avoir tout compris mais…

LA TRAHISON DES IMAGES – C’est vous qui en tenez, une couche.

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