3hund, ‘Spider Projection v.2’

Paris, parc Martin-Luther-King, 21h45

« OH PUTAIN. Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
– C’est miiiiii ! »

Au sommet des escaliers qui m’ont conduit hors de la mer virtuelle bleue, je viens de tomber… sur une araignée géante. Elle est là, d’une hauteur de bien deux mètres de haut, à quelques pas de moi à peine. C’est affreux. Heureusement, elle est cantonnée dans l’un des bâtiments qui encerclent le parc.

« Quelle horreur !
– Oh ben merci ! Je ne suis pas si terrible ! me répond l’oeuvre avec une petite voix aigue et stridente. Après tout je ne suis qu’une projection vidéo ?
– Ah bon ?
– Mais oui. Tu imagines une vraie araignée de cette taille ?
– Bien sûr que non. Mais une marionnette, un automate, je ne sais pas…
– Non non. Juste une projection vidéo. Je suis une oeuvre du collectif 3hund, formé par Friedrich Van School et Tarek Mawad. Ils ont utilisé la technique tu vidéomapping pour me concevoir.
– C’est-à-dire ?
– C’est-à-dire que la vidéo est conçue pour un lieu en particulier, parce qu’elle s’inspire de la structure du bâtiment pour rendre l’illusion de la projection encore plus criante. Ici, le fond du bâtiment fait partie du décor filmé et projeté, tu vois ?
– Aaah ! C’est pour ça que tu as l’air plus vrai que nature !

– Oui.
– Et là, de quoi s’agit-il encore ? Encore une oeuvre d’anticipation ?
– Pas exactement. Même si la planète prend dix degrés, il y a peu de chances que tu voies des araignées comme ça dans la rue.
– Ouf.
– Par contre….
– PAR CONTRE QUOI ?
– Calme-toi ! Par contre, si tes copains humains continuent à faire joujou avec des bestioles en laboratoire…
– Mais non mais, mais c’est pour les films de science-fiction ça !
– Pour l’instant. Il y a soixante-dix ans on imaginait dans les romans de science-fiction qu’on pourrait appeler des gens avec un téléphone portable. Alors de là à ce que…
– Mais non ne dis pas ça ! Ca me fait peur !
– C’est mon objectif ! Je suis une oeuvre très engagée aussi, malgré mes apparences. Je suis là pour vous dire « attention ! si vous continuez les manipulations sur les animaux et les plantes, vous n’êtes pas à l’abri qu’un jour ça donne quelque chose d’aussi monstrueux que mon araignée ».
– Gloups… »

Pendant ce temps, l’araignée vient d’engloutir une sauterelle avec laquelle elle cohabitait.

« – Ici regarde, je forme une boîte, m’explique l’oeuvre. Mon araignée est enfermée dedans. Et la sauterelle qu’elle vient de manger aussi. C’est comme une cage de laboratoire.
– Non mais c’est trop terrifiant. Je veux plus t’écouter. Je me barre !
– C’est ça, va-t’en. Mais prends garde ! »